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--- Réflexions personnelles en marge de mon actualité, à la mémoire de Jean Paul II --- Blogue catholique francophone ---

2009-02-25

C’était mon père

Augustin Lozier était le genre de personne que la plupart des gens qualifieraient de chanceux, choyé par la vie. Il est né à Tracadie en 1913. Il a grandi dans une famille nombreuse et unie, d’une composition idéale pour lui : un garçon, quatre filles, Augustin, quatre filles, un garçon. Il n’a jamais manqué de soutien et d’affection. Il n’a jamais eu besoin de lutter pour se distinguer de ses frères. Il a eu la chance de travailler très jeune comme bûcheron avec son père. Ce dernier lui aussi a montré à jouer du violon. Les jeunes ont profité en plein de l’âge d’or de la radio en apprenant et jouant la musique populaire de cette époque. Augustin savait par cœur pour les chanter à la guitare les chansons de Jimmy Rogers, Avec ses sœurs Alma et Rita et avec des amis, il a régulièrement fait danser les gens dans les veillées.

À trente ans, sa vie a pris un tournant quand il a remarqué Rita Fortin sur la patinoire. Quand il a amorcé des fréquentations, un de ses atouts était le fait qu’il était propriétaire d’une voiture. Leurs deux personnalités étaient faites pour s’entendre et ils ont décidé de s’unir pour fonder une famille. Ils eurent cinq enfants qui leur ont causé des soucis, c’est dans l’ordre des choses, mais dont ils ont aussi retiré beaucoup de satisfaction. Dans son portfolio, où Augustin avait une photo de chacun de ses projets de soudure ou de menuiserie, il y avait une photo des cinq garçons qu’il se plaisait à signaler comme ses créations. Augustin et Rita ont vécu à Brunetville puis à Kapuskasing. Le chalet au lac Rémi construit par Augustin était un lieu paradisiaque pour leurs jeunes qui grandissaient et plus tard pour les trois petits-enfants. Un exploit mémorable fut la fois ou trois générations de Lozier montèrent conjointement sur les skis nautiques, tirés par le même bateau moteur: Augustin, moi-même et mon fils Jean-François.. Augustin a eu le bonheur de vivre 65 ans avec sa femme Rita, une femme pour laquelle il a eu une admiration et une affection sans borne. Il se savait choyé de Dieu pour avoir reçu un tel cadeau. Jusqu’à son mariage il donnait son chèque de paye à sa mère, après il le donnait à Rita, en qui il s’est toujours fié pour la gestion des finances.

Pendant 38 ans, Augustin a travaillé au moulin à papier. Il se comptait chanceux d’avoir décroché cet emploi comme jeune homme et, assez rapidement, il est devenu chef de machine. Mon père avait ce qu’on appelle aujourd’hui des difficultés d’apprentissage, qui font qu’il avait de la difficulté à lire et à écrire. Lorsqu’on lui a offert le poste de contremaître pour lequel on l’estimait capable, il a refusé parce qu’il se trouvait incompétent du côté paperasse. Il répétait souvent qu’il adorait son travail, qu’il était heureux e se lever pour aller travailler. La camaraderie, les occasions de montrer son talent dans la résolution de problèmes, sa fierté d’être responsable d’une grosse machine à papier le comblaient. Il disait qu’il passait beaucoup de temps à somnoler ou à jaser parce qu’il savait éviter les bris de sa papier. Quand il se tournait les pouces la compagnie faisait de l’argent.

Augustin était reconnu pour son talent de raconteur d’histoires drôle au timing parfait. Il aimait aussi prendre des photos et se faire photographier (il avait le sens de la mise en scène). Au moment de la retraite, il fut très fier quand on lui demanda d’aller participer à l’installation d’un moulin à papier au Mexique et à la formation des travailleurs. Comme beaucoup de gens à la retraite, Augustin et Rita se sont tournés vers les activités de loisir et les voyages. Augustin, qui n’avait jamais fait partie d’aucune association, s’est intégré à des groupements de retraités où on appréciait ses habiletés de bricoleur et son entre-gens. Mes parents sont allés quelques hivers en Floride et une douzaine d’hivers au Mexique, ou ils étaient heureux de retrouver des bons amis qui estimaient Augustin comme un aîné qui savait vieillir en beauté. Un an avant son décès, Augustin et Rita ont passé un mois au Mexique. À 94 ans!

Au cours du mois d’août 2008, Augustin s’est brisé le fémur et son séjour à l’hôpital s’est prolongé. On ne sait pas pourquoi, mais bien que l’os fut guéri,, il n’a jamais réappris à marcher, mais il se déplaçait en chaise roulante. Rita allait le voir chaque jour, la plupart du temps pour lui aider à souper. Les six mois dans les soins à longue durée furent une période difficile pour lui et pour nous, car sa santé physique et mentale se détériorait rapidement. Il avait des moments de lucidité et des moments avec des hallucinations. Les deux dernières semaines, il luttait contre des troubles respiratoires et la communication était très difficile (il était dur d’oreille et sa voix était de plus en plus éteinte). Par cadeau du ciel, Rita et mon frère Michel (qui était venu pour soutenir ma mère) on pu assister à ses derniers soupirs. On peut remercier le Seigneur pour 94 belles années en forme et aussi pour la relativement courte période de descente et de dépouillement où il a été accompagné par le dévouement de sa moitié et le soutien de la parenté et des amis.

Je me compte chanceux d’avoir eu des parents comme Rita et Augustin. Leur harmonie conjugale et leur art de vivre et de vieillir en beauté sont pour nous un idéal à rechercher. Je sais que mon père de la terre est aujourd’hui avec mon Père du ciel. Je sais que je le reverrai et que nous partagerons un jour la même vie de résurrection. Sans vouloir parler des valeurs humaines profondes de mon père, je veux conclure en disant que j’ai demande pour la liturgie de Résurrection que le texte de l’évangile soit les béatitudes proclamée par Jésus. Augustin sans s’en rendre compte, a vécu l’esprit des béatitudes.

2 commentaires:

  • À 10:16 p.m. , Blogger nicole beaulieu a dit...

    Albert, merci de partager ce bel hommage que tu as rendu à ton père. C'est un précieux cadeau.
    Nicole Beaulieu

     
  • À 7:54 p.m. , Blogger Unknown a dit...

    Bonjour Albert, je tente de communiquer avec vous pour des informations concernant votre mère Rita. Chantale

     

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