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--- Réflexions personnelles en marge de mon actualité, à la mémoire de Jean Paul II --- Blogue catholique francophone ---

2007-04-09

Le Serviteur souffrant et triomphant

On considère Isaïe comme le plus grand des prophètes et l'ensemble de textes sacrés qui porte son nom est surnommé à juste titre le «cinquième évangile». Les savants s'accordent pour dire que le livre d'Isaïe est une collection de collections de textes et qu'il se divise en trois parties bien nettes de sources et d'époques différentes: Isaïe I (chapitres 1-39), Isaïe II (40-55) et Isaïe III (56-66). Les quatre Chants du Serviteur (Is 42,1-7; 49,1-9; 50,4-9; 52,13-53,12) sont dispersés dans Isaïe II, qui date de l'exil de Babylone.

Il est reconnu par monsieur et madame tout-le-monde qu'Isaïe 52,13-53-12 (le quatrième Chant du Serviteur de Yahvé) annonce la Passion du Christ Jésus. Au cours de la Semaine sainte, la liturgie nous présente ces textes qui évoquent de façon saisissante la figure de Jésus dans sa Passion.

Le personnage mystérieux du Serviteur souffrant, tellement évocateur du Christ, a suscité beaucoup de réflexions. Est-ce une image du peuple d'Isräel ou s'agit-il d'un individu, d'un personnage royal, prophétique et messianique privilégié qui cristallise en sa personne le destin d'Isrël comme lumière et victime pour le salut des nations. Le portrait du Serviteur est peut-être inspiré du destin tragique du roi exilé Joiakin, captif et dépendant du roi de Babylone (2 Rois 24-25). La description du Serviteur comporte toutefois des dimensions qui débordent la personne de Joiakin. Le Serviteur souffrant est le modèle des justes persécutés de tous les temps et de tous les lieux, et donc du Juste par excellence.

En ce jour de Pâques, je voudrais cerner si le prophète, qui «prédit» la Passion du Christ, nous annonce aussi son entrée dans la Gloire. Dans le premier et second Chants, le Serviteur est appelé par Yavhé à être non seulement le sauveur de son peuple, mais «la lumière des nations» (42,6 et 49,6). Le quatrième Chant commence par un oracle qui semble parler de gloire et d'élévation, avant de plonger dans un récit de passion: «Voici que mon serviteur prospérera, il grandira, s'élèvera, sera placé très haut.» Je vois un lien avec la conclusion (53,10-12: «[…] Il verra une postérité, il prolongera ses jours, et par lui la volonté de Yahvé s'accomplira. […] Il verra la lumière et sera comblé. […] Il aura sa part parmi les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu'il s'est livré lui-même à la mort. […]»

À la lumière de Pâques, on peut lire entre les lignes: le Serviteur meurt, mais il «prolongera ses jours» (la Résurrection) et il «verra la lumière et sera comblé» (la Gloire). Le Serviteur «verra une postérité» (le Peuple nouveau engendré par son Sacrifice). C'est le mystère du grain de blé: «En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. (Jn 12,24)

Les auteurs du Nouveau Testament ont fait plusieurs fois le rapprochement entre le Serviteur décrit par Isaïe et Jésus. Il serait étonnant que Jésus lui-même n'ait pas compris sa mission et son destin en référence au personnage du Serviteur souffrant et triomphant.