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--- Réflexions personnelles en marge de mon actualité, à la mémoire de Jean Paul II --- Blogue catholique francophone ---

2008-04-14

Tout ce qui me nourrit

Il m’est venu à l’idée que tout ce qui me nourrit vient de Dieu et doit être accueilli avec respect et reconnaissance. Je ne pense pas seulement à ce qui nourrit mon corps, mais à tout ce qui me fait vivre : la musique, la lecture, un coucher de soleil, les fleurs, la compagnie de ma famille, etc. Tout ce qui me fait plaisir d’une façon ou d’une autre est une visite de Dieu qui vient me nourrir, qui vient me faire vivre par cela.

En regardant une pomme, je puis me dire. Cette pomme qui va me donner de l’énergie, qui va me faire plaisir dans l’acte de manger, a été créée par Dieu dans le but de me transmettre de la vie, car il est la Vie même et la Source de toute vie. Le plaisir que j’éprouve dans certaines activités est un signe que cela est bon pour moi, que cela correspond au plan de Dieu pour me garder en vie, pour transférer une part de l’Énergie de son Être à mon être.

Je sais que le critère du plaisir n’est pas infaillible pour discerner la valeur énergétique d’une activité. Il peut y avoir des déviations, des abus. Il reste que plus les plaisirs sont «nobles», plus ils font vivre. Les choses qui sont bonnes pour la santé physique, psychologique et spirituelle sont nourrissantes à la fois pour le corps et pour l’âme. Manger une bonne pomme fait du bien à tout mon être, lire un bon livre fait du bien à tout mon être. Les plaisirs reliés à l’activité physique, à l’activité intellectuelle et à l’activité spirituelle sont positifs, ils rechargent, dynamisent, construisent, actualisent tout l’être.

Une liste très partielle de ce genre d’activités peut comprendre: un bon repas en compagnie d’êtres chers, une activité sportive ou de loisir (cinéma, lecture, musique), la découverte d’un concept ou la résolution d’un problème, les services que je rends, la prière individuelle ou communautaire, les fois où je ris et je fais rire, les retrouvailles avec des gens que j’aime. Ce genre d’expériences nourrit tout l’être. C’est de cette façon que Dieu vient à moi. Le plaisir de me nourrir est un don de Dieu qui vient ainsi à ma rencontre.

Dieu est la Source de tout ce qui existe en dehors de lui. Tout vient de lui et tout est maintenu continuellement en existence par lui. Il soutient notre être dans son existence même, mais il nous soutient aussi par tout ce qui fait partie de notre milieu de vie, par tout ce qui nous garde en vie, par tout ce qui nous fait vivre. Plus nous sommes près de la Source, plus il est facile d’y boire, de trouver notre «sustenance» à la Source même de notre être. Le bonheur éternel sera d’enfin pouvoir boire directement à la Source.

Comme pour une maman nourrir sa famille est un geste d’amour, Dieu nous nourrit par amour. Il est si différent de nous que la nourriture qu’il nous donne doit être adaptée à notre degré d’être. Il y a le Créateur et la création. Dans la création, il y a la matière «inerte» et la matière vivante. La matière vivante se nourrit des énergies de la matière inerte directement ou indirectement (des vivants se nourrissent de vivants). Parmi les vivants, il y a les êtres humains qui sont pluridimensionnels, devant se nourrir pluridimensionnellement. Sans vouloir diviser l’être humain qui est simple, on se rend compte par la pluralité de ce qui nous fait vivre que nous avons diverses dimensions à nourrir et que le plaisir s’adresse à tout notre être. L’attrait du plaisir nous incite à choisir dans notre milieu des choses nourrissantes.

Comme Jésus est Dieu à notre disposition, Dieu parmi nous, Dieu à notre portée, tout ce que nous faisons pour nous rapprocher de lui, nous accrocher à lui, nous unit à Dieu notre Source originelle et continuelle de Vie. Quand notre Seigneur Jésus Christ dit que sa chair est vraiment une nourriture, il nous dit que sa personne tout entière est ce qui nous fait vivre vraiment. Si nous réussissions à vraiment adhérer au Christ, nous aurions très peu besoin de nourritures terrestres, car, de même que pour le Christ sa nourriture était de faire la volonté de son Père, de même notre nourriture serait de faire la volonté du Christ.

Messe et Mission

La question suivante m’est parvenue du Comité de réflexion théologique de Développement et Paix à l'occasion du Congrès eucharistique international: «L’Eucharistie a-t-elle quelque chose à voir avec le travail de solidarité sur le plan local ou international? Si oui, quel sens lui donnez-vous à partir d’un tel engagement?» Voici ma réponse.

Mon engagement dans Développement et Paix, comme tous mes engagements humains et chrétiens, trouve sa source et sa nourriture dans la Célébration eucharistique. Pour moi, la dernière partie de la Messe se prolonge dans toute ma vie. À partir du Notre Père, de la prière pour la Paix et l’échange de la Paix, en passant par la communion au Christ ressuscité (l’Envoyé du Père qui m’envoie faire comme lui), jusqu’à la bénédiction et l’envoi suivis du chant d’envoi, je me sens inséré dans un mode missionnaire. La Messe devient pour moi un tremplin, un envoi en mission, qui me dynamise pour servir mes frères humains au cours de ma semaine. Je reçois la Paix en personne pour devenir un artisan de Paix dans mon milieu (et dans tous les coins de la planète grâce à mon engagement dans Développement et Paix).

La Messe a une dimension sociale. Le « Faites ceci en mémoire de moi » ne s’applique pas seulement au Rite eucharistique, mais aussi à l’imitation du Serviteur qui revêt le tablier pour laver les pieds de ses disciples. Si la Messe ne se prolonge pas dans le service des pauvres, dans l’engagement, il y a une dimension qui manque. Si la Messe est «la fraction du pain», si le pain est brisé et partagé symboliquement au cours de l’Eucharistie, c’est pour nous inciter à faire de même au cours de notre vie par le partage de nos ressources avec les pauvres. « Ma » communion n’est pas seulement l’union au Christ, elle est l’union à son Corps qui est l’Église. Si la Messe n’est qu’une affaire privée sans prolongation sociale, si elle ne porte pas dans ma vie des fruits d’entraide, de solidarité, de justice, de dévouement, d’engagement, de développement et de paix, je passe à côté de quelque chose d’essentiel. Quand je célèbre l’Eucharistie, je viens regénérer mes liens au Serviteur qui veut par moi rejoindre ses frères dans le besoin.

Chaque Eucharistie renouvelle de mystère de la Pâque qui est un mystère de libération du mal sous toutes ses formes, par la Mort-Résurrection du Christ. La Pâque juive commémore la libération des juifs du pays de l’esclavage. Notre Célébration eucharistique est aussi un passage de l’esclavage à liberté, de la mort à la vie. En y participant, je suis relevé d’entre les morts avec le Christ, afin de me mettre en marche vers tous ceux et celles qui sont courbés sous le poids des injustices, pour les aider au nom du Christ à se redresser et à devenir à leur tour des porteurs de Résurrection. Le Christ eucharistique qui vient briser les chaînes de nos esclavages désire que nous devenions pour notre prochain (proche et lointain) des briseurs de chaînes. Le travail pour le développement humain est une œuvre humaine et chrétienne qui applique au monde les fruits de la Rédemption dont nous bénéficions dans l’Eucharistie.

Le Christ nous a dit de célébrer son Repas pascal jusqu’à ce qu’il revienne. Nous le proclamons à chaque Messe après le Récit de l’institution : « Nous attendons ta Venue dans la Gloire. » La paix universelle dans « les cieux nouveaux et la terre nouvelle », dont l’Eucharistie est le germe et l’anticipation, est le modèle du genre de société à laquelle nous devons tendre par nos engagements. Nous sommes loin d’y être parvenus, mais la vision de la Terre promise dont l’Eucharistie est le gage nous stimule à travailler pour l’instaurer un peu plus dans le monde d’aujourd’hui.